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L’avion hybride à la rescousse

il y a 2 ans

Ce n’est pas une découverte : tout s’électrifie pour réduire – au moins localement – les émissions de CO2 et la pollution. L’aviation échappera-t-elle au phénomène ? Non. Elle le pourra d’autant moins que, victimes de campagnes de dénigrement, constructeurs et compagnies sont mis devant leurs responsabilités : 2 % du total des émissions de dioxyde de carbone leur sont imputables. Pourtant, le tout-électrique ne semble envisageable qu’à très long terme. Par contre, l’hybridation thermique/électrique pourrait constituer une étape intermédiaire. Ce qui serait une belle avancée.

Ah, l’avion électrique, silencieux, puissant, propret… Le rêve ! Difficile à concrétiser cependant, car il y a pour l’instant une antinomie absolue entre un aéronef et la propulsion électrique. Cet obstacle gigantesque, c’est le poids ! Oui, le poids des batteries pour stocker l’énergie.

Trop de kilos…

Au stade actuel de développement des accumulateurs, le problème est le même pour l’automobile qui trimballe un poids mort conséquent : de 400 à 600 kg pour une Tesla Model S, en fonction de la capacité, donc de l’autonomie du véhicule. Et cela, pour une masse totale de plus de deux tonnes. Déjà que déplacer ces kilos pose question quant à l’efficacité énergétique globale d’une voiture, mais alors, quand il s’agit d’un avion… « La situation de l’avion est complètement différente par le fait du vol et par l’impact du poids sur celui-ci », observe François Lepot, CEO de Safran Aero Booster. Implantée sur les hauteurs de Liège, à Milmort, son entreprise fabrique des éléments essentiels pour les moteurs d’avion les plus répandus au monde. Les turboréacteurs CFM56 et Leap équipent effectivement les deux familles d’appareils civils les plus produits : les Airbus A320 et Boeing 737.

L’auto roule, l’avion vole

Pour François Lepot, « l’avantage de la voiture, comme du train d'ailleurs, c’est qu’ils sont portés par leurs roues. Embarquer des masses de batteries et faire décoller un avion, c’est tout autre chose. Un Airbus A320 totalement électrique aurait besoin de 170 tonnes de batteries… Or, sa masse maximale au décollage est de 80 tonnes. » Vous l’aurez compris, on est face à une impasse technologique et économique en ce qui concerne l’aviation commerciale traditionnelle, celle qui embarque la grande majorité des touristes. Devant ce mur aujourd’hui infranchissable, l’hybridation, c’est-à-dire la combinaison d’une motorisation thermique traditionnelle et d’un mode de propulsion électrique, peut-elle être une solution, même transitoire, comme dans l’industrie automobile ? C’est possible. Depuis une dizaine d’années, les initiatives se multiplient, essentiellement dans le domaine des avions banc d’essais volant.

La tenace alliance Diamond-Siemens

À cet égard, la persévérance de Diamond Aircraft, en partenariat avec Siemens, est exemplaire. Spécialisée dans les motoplaneurs et les avions légers, la firme autrichienne a, dès le début des années 2010, adapté l’un de ses appareils, le DA36, à une motorisation double : un moteur rotatif Wankel entraîne un générateur d’électricité qui alimente des batteries fournies par EADS-Airbus ; batteries qui elles-mêmes animent un moteur électrique Siemens pour propulser l’hélice. Après un premier vol le 8 juin 2011, le DA36, devenu E-Star, a été présenté au salon aéronautique du Bourget en 2013. Rebelote en 2015, mais avec un nouvel avion cette fois : le DA40 Diamond Star considérablement modifié, puisque ce monomoteur est devenu bimoteur pour l’occasion.  Son diesel d’origine, un EA300 de 170 chevaux, alimente deux systèmes électriques comprenant moteurs Siemens, inverseurs et deux batteries de 12 kWh. De manière originale, nacelles-moteur et hélices ne sont pas positionnés sur les ailes, mais chacune de leur côté, sur le fuselage. Ce drôle d’engin, dont le but est de réduire la consommation de carburant fossile et les nuisances sonores, a effectué son premier vol avec succès le 31 octobre 2018, avant d’entamer une campagne d’expérimentations pour valider le concept.

Cage de Faradair

Avec le Diamond DA40 modifié, on parle d’un avion à quatre places… dont les deux sièges arrière sont occupés par des batteries. Le projet de la start-up anglaise Faradair Aerospace va plus loin, puisqu’il s’agit d’un petit avion régional pouvant accueillir jusqu’à 18 passagers. Installée depuis l’an dernier sur l’aérodrome de Duxford dans le Cambridgeshire au nord de Londres, l’entreprise développe une cellule au design original, avec une aile triplan fermée et une grande hélice carénée à l’arrière du fuselage, le tout dans le but d’optimiser l’aérodynamique. En l’état actuel, le Faradair BEHA MH-1 serait équipé d’une turbine génératrice thermique Honeywell et de deux moteurs électriques Magni500 de 570 kW chacun. Une concrétisation – prototype, essais – est attendue pour le milieu de la décennie. Quant à la mise en service commercial… c’est une autre paire de manches.

Les moyens de ses ambitions

On le voit, dès qu’on passe à une échelle supérieure, c’est-à-dire du petit avion léger à un appareil, toujours de faibles dimensions mais à vocation régionale, le chemin se fait plus ardu. D’ailleurs, nombre de projets, qu’ils émanent de start-up ou de consortiums, se sont plantés. On pense à Zunum Aero qui, en 2013, a commencé à plancher sur une famille d’avions hybrides de 10 à 50 sièges. Le temps de réaliser un premier proto en 2017 et, bardaf… c’était le crash en novembre 2018 malgré le soutien de Boeing et JetBlue.

Airbus, deux pas en arrière, un pas en avant

En partenariat avec Siemens et le motoriste Rolls-Royce, Airbus avait lancé en 2017 le projet d’un démonstrateur hybride : l’E-Fan X. L’idée ? Tester la technologie en remplaçant l’un des quatre réacteurs d’un quadrimoteur Bae 146 par un moteur électrique de 2 mégawatts. Il y a un an, c’est sur la crise du coronavirus que trébuchait l’E-Fan X. Cela n’a pas empêché Airbus d’annoncer, le 26 février dernier, dans le cadre de la lutte contre les émissions de CO2, la relance de ses études sur l’avion hybride, en parallèle à l’exploration de technologies à l’hydrogène (entre-temps délaissées par le concurrent Boeing)… « C’est le remplaçant du turboréacteur Leap de l’A320 et du 737 qui va driver les objectifs CO2 », affirme François Lepot. Les motoristes travaillent sur la combinaison d’une turbine thermique et de moteurs électriques animant des machines à rotor ouvert. Mais ce système impressionnant, il faudra encore le faire accepter par la clientèle à l’horizon 2030.

Mots-clés: E-market Actualités
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